Les petites filles et la Mort

Titre: Les petites filles et la Mort

Auteur: Alexandre Papadiamantis

Biographie: Alexandre Papadiamantis est un écrivain majeur de la littérature grecque. Il est né en 1851 à Skiathos, en Grèce. Il est l’aîné d’une fratrie de neuf enfants dont trois qui moururent assez tôt. Il apprend à lire comme interne au monastère de l’Annonciation sur son île natale. À la rentrée scolaire de 1867, il est inscrit au lycée de Chalkis mais suite à un conflit avec un professeur, interrompt sa scolarité et retourne chez lui 1870. En 1873, il reprend ses études et obtient son diplôme à l’âge de 23 ans. Il s’inscrit à la faculté de philosophie de l’université d’Athènes mais n’en sera jamais diplômé. En septembre 1875, il s’inscrit en deuxième année de littérature, mais ne termine pas ses études, en raison de sa santé et de ses conditions de vie. Il apprend de lui-même le français et l’anglais et exerce le métier de traducteur de 1882 à 1905. En 1879, il publie l’Emigrante et ensuite Trafiquants des Peuples et La fille des Bohémiens en 1884. Néanmoins, il restera dans la misère et la pauvreté une bonne partie de sa vie à Athènes et développera une addiction à l’alcool. En 1902, il quitte la capitale pour Skiathos. En 1908, suite à la célébration de les vingt-cinq de vie littéraire, il redistribue une partie de l’argent collecté à cette occasion à ses amis. Il est décédé en 1911, probablement d’une pleurésie, à Skiathos.

Résumé: La vieille Yannou est au chevet de sa petite-fille, âgée de quelques jours à peine et déjà gravement malade. Au fil des heures de veille durant lesquelles elle se remémore sa vie passée, elle découvre qu’elle n’a jamais vécu que dans la servitude. Elle se persuade alors que son devoir est de délivrer – par tous les moyens – les petites filles de l’enfer qui les attend. Écrit en 1903, Les Petites Filles et la Mort (dont le titre original se traduit par La Meurtrière) est le maître livre de Papadiamantis. Dans une tragédie qui va bien au-delà du tableau de mœurs, il invente une langue somptueuse et propose une réflexion sur la condition féminine, tissée d’obsessions personnelles, qui se révèle d’une inquiétante modernité.

C’est petit roman se focalise sur la condition féminine mais en particulier sur la violence féminine et la misogynie intériorisée dans sa laideur la plus splendide. Ce récit retrace donc la vie de Yannou qui vit sur une île grecque, très éloignée de la capitale. Les conditions de vie sont compliquées, la pauvreté est très présente, c’est même une lutte constante. Francoyannou (appelée aussi Khadhoula) veille sa fille qui vient d’accoucher d’un bébé, une petite fille. Son esprit vagabonde dans le passé et retrace un peu sa vie. Elle en tire une conclusion assez triste que je mets en citation car ce passage est assez frappant.

« Jeune fille, elle avait été la domestique de ses parents. Une fois mariée, elle était devenue l’esclave de son mari – et pourtant, par l’effet de son propre caractère et de la faiblesse de l’autre, elle était en même temps sa tutrice. Quand ses enfants étaient nés, elle s’était faite leur servante ; et maintenant qu’ils avaient à leur tour des enfants, voici qu’elle se retrouvait asservie à ses petits-enfants. »

C’est dans ce contexte que Yannou va commencer sa plongée dans les ténèbres et commettre l’irréparable comme l’indique le résumé de ce livre. Et bien entendu, elle ne s’arrêtera pas à une seule victime. Contrairement à ce que laisse penser le résumé ou la citation, ce qui motive Yannou, c’est une forme de misogynie tellement ancrée au plus profond de son âme, qu’elle ne se rend pas compte de la cruauté de ses actes. Elle n’est pas vraiment motivée pour délivrer les petites filles, de cette vie, c’est juste une justification assez secondaire. Pour elle, avoir une fille est un fardeau, il faut lui trouver un mari, une dot et quand il y en a plusieurs, c’est un enfer. Elle a même tenté de trouver ou fabriquer une « herbe à garçon », à donner aux femmes enceintes pour qu’elles puissent accoucher d’un garçon. Ce qui n’a pas fonctionné. Elle pense aussi que seule les familles pauvres ont beaucoup trop de petites filles, ce qui malheureusement a un vrai impact sur les conditions de vie.

Il faut aussi voir le traitement différentiel qu’elle fait entre l’un de ses fils, violent envers elle-même et sa fille, et ses autres filles. Le véritable nœud du problème, c’est le traitement des femmes par la société et en particulier les hommes. Yannou, inconsciemment, le sait, elle n’est pas une femme sans cœur. Elle est une femme âgée dont la santé mentale est vraiment dégradée face à cette impuissance devant une société patriarcale toute puissante qui maintient les femmes dépendantes des hommes, que ce soit leur père, leur fils ou leur mari.

Ce livre décrit des scènes d’infanticide, donc selon votre sensibilité faite attention. Malgré une forte culpabilité, Yannou arrive toujours plus ou moins à se justifier et alors qu’elle devrait faire profile bas à cause des gendarmes, elle ne peut s’empêcher de recommencer, de se justifier en voyant un quelconque signe de Dieu.

Le style d’écriture est vraiment simple à lire, j’ai adoré la description des paysages grecs, on s’immerge vraiment dans cette époque sur cette petite île grecque. C’est un roman assez court, moins de 200 pages mais qui n’en reste pas moins poignant. S’agissant de la citation que j’ai mis, elle raisonne beaucoup en moi et je pense qu’elle est toujours un peu d’actualité. Adolescente, mes frères ne faisaient jamais le ménage, c’était à moi ou mes soeurs aînées que ce travail était délégué. Je ne suis pas mariée, je n’ai pas d’enfants, ni de petits-enfants mais je pense que les femmes âgées ayant vécu dans les années 50 pourront également se reconnaître. La seule différence, c’est qu’avoir une fille n’appauvrit plus les ménages, on n’est pas dans la situation extrême décrit dans ce livre mais certains éléments font échos à notre présent.

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