Chinoises

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Titre : Chinoises

Autrice : Xinran

Biographie : Xinran est originaire de Pékin, elle est journaliste et écrivaine. Elle a vécu la révolution culturelle lorsqu’elle était une enfant et a été envoyée dans un orphelinat militaire suite à l’emprisonnement de ses parents. De 1989 à 1996, elle anime l’émission « Mots sur la brise nocturne » consacrée aux femmes. En 1997, elle part vivre à Londres et publie en 2003 Chinoises qui regroupe les témoignages de femmes chinoises sur leur quotidien. Xinran est aussi l’autrice de Funérailles célestes (2005), Baguettes chinoises (2006), Mémoire de Chine (2010)

Résumé : Un dicton chinois prétend que  » dans chaque famille il y a un livre qu’il vaut mieux ne pas lire à haute voix « . Une femme a rompu le silence. Durant huit années, de 1989 à 1997, Xinran a présenté chaque nuit à la radio chinoise une émission au cours de laquelle elle invitait les femmes à parler d’elles-mêmes, sans tabou. Elle a rencontré des centaines d’entre elles. Avec compassion elle les a écoutées se raconter et lui confier leurs secrets enfouis au plus profond d’elles-mêmes. Epouses de hauts dirigeants du Parti ou paysannes du fin fond de la Chine, elles disent leurs souffrances incroyables : mariages forcés, viols, familles décimées, pauvreté ou folie… Mais elles parlent aussi d’amour. Elles disent aussi comment, en dépit des épreuves, en dépit du chaos politique, elles chérissent et nourrissent ce qui leur reste.

Avis:

TW : Ce livre contient des références explicites aux viols, à la pédophilie, à l’inceste, au suicide…

C’est un peu dur pour moi d’écrire cette critique. J’ai mis beaucoup de temps à lire ce livre, j’avais commencé début août et c’est seulement maintenant que je le termine : non parce qu’il est mal écrit ou inintéressant mais parce que les témoignages sont d’une réalité et d’une dureté assez impitoyable. Toutes ces femmes qui témoignent viennent de milieux sociaux variés pourtant elles sont toutes liées par les crimes dont elles ont été victimes.

On remarque aussi que dès qu’un régime politique tourne à la dictature, les femmes subissent encore plus les répressions que les hommes. Non pas que le sort des hommes soit enviable, loin de là, mais les femmes ont subi des actes atroces spécifiquement liés au fait qu’elles étaient des femmes : ces actes prenaient souvent la forme de violences sexuelles.

Cela dit, l’inceste et les violences conjugales sont aussi abordés et il est vrai que sous le régime communiste de la Chine et en raison du poids des traditions, il était quasiment impossible pour les victimes de demander justice. Cependant, même de nos jours en France, les victimes ont du mal à se faire entendre. C’est vrai qu’on a des avancées mais il reste un long chemin à parcourir. Ce livre fait réfléchir et démontre bien la nécessité d’une éducation sexuelle basée sur le consentement pour les jeunes.

En se basant seulement sur le livre, les conséquences extrêmes concernant l’absence d’éducation sexuelle peuvent donner lieu à des situations halluciantes comme à la Colline Hurlante : il s’agit d’un petit village chinois respectant les traditions anciennes ce qui fait que les femmes sont considérées littéralement comme de la marchandise et n’ont aucune idée de la façon dont fonctionne leur corps. Ce qui est assez impressionnant c’est qu’un médecin chinois a constaté que la majorité des femmes de ce village souffraient de descente d’utérus. Ce qui est le pire, c’est qu’elles pensaient vraiment que la vie était ainsi et qu’elles ne pourraient jamais avoir mieux.

Un autre témoignage qui m’a fait réfléchir, c’est celui concernant le séisme de 1976 à Tangshan : de quoi perdre foi en l’humanité, mais il y a vraiment des hommes qui ont profité d’une catastrophe naturelle grave pour violer une jeune fille… et l’abandonner dans un fossé. Je vais paraître naïve, je n’avais jamais songé à ce genre de situation. Le pire est de se dire que des hommes normaux n’ayant jamais rien fait de tel, puissent commettre un viol parce qu’une situation chaotique le leur permet.

Je tiens vraiment à souligner que la plupart des témoignages sont assez glaçants, ce sont les victimes qui mettent des mots sur ce qu’elles ont subi ce qui rend les récits extrêmement poignants. C’est parfois dur à lire et ahurissant. Ce sont des récits sordides avec pour conséquence souvent, des vies brisées.

En arrière-plan, on en apprend plus aussi sur le fonctionnement de la Chine à l’époque du communisme: d’autres thèmes sont abordés comme l’impact de la révolution culturelle mais aussi le journalisme : on se rend compte à quel point ça pouvait être difficile pour Xinran d’animer une telle émission, surtout que certains témoignages ont été censurés. Il est intéressant de noter que la question de la religion a été abordée, plus sous l’angle « comment conserver sa Foi et être en accord avec la ligne du Parti », on a aussi un témoignage sur l’homosexualité féminine…

Il est difficile de rester insensible à tous ces récits, je suis encore assez bouleversée par cette lecture. Un livre nécessaire qui peut compléter d’autres ouvrages historiques sur la Chine, toutes ces femmes ne seront pas oubliées, leurs souffrances étaient réelles et c’est important de comprendre ce qu’elles ont pu endurer.

Note: 5/5

6 commentaires

  1. Je suis vraiment très contente de lire ta chronique, j’ai bien évidemment beaucoup entendu parler de ce livre, mais c’est la première fois que j’en lis autant, et ça me donne bien plus envie de le lire maintenant. A part entendre que ce bouquin est féministe, je n’en savais guère plus… Merci donc 😉

    Pour les témoignages durs, il va falloir s’accrocher comme pour La fin de l’homme rouge d’Alexievitch alors. (à part qu’on a des témoignages des deux genres dedans, vu que ce sont des témoignages plus globaux sur la fin de l’URSS, l’avant et l’après)

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    • Je suis contente si cette chronique te permets d’avoir plus de précisions. Pour la dureté des témoignages, il faut dire que c’est le premier livre assez dur que je lis depuis ma période de « lecture blanche » et je préfère aussi faire quelque chose de détaillé parce que je sais qu’il y a des personnes qui ne sont pas du tout à l’aise avec des sujets tels que le viol, l’inceste…. Merci pour l’avertissement.

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      • De rien, moi aussi avant de commencer, je savais que ce livre était féministe mais j’ignorais un peu son contenu. C’est mieux si on peut se préparer un peu face à tous les témoignages.

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  2. On oublie souvent que la plus terrible arme de guerre est le viol. Que ce soit entre les camps ou au sein même d’un camp. Avant, personne n’en parlait parce que c’était comme ça, parce que les victimes étaient souvent des femmes et des enfants donc on faisait avec… Et après on nous dit qu’il ne faut pas se battre, que l’égalité est déjà là et blablabla. Parce que ce n’est pas qu’à l’étranger que ça arrive.
    Superbe chronique !

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    • Tout à fait, ce n’est pas à l’étranger. Ce livre aborde des cas d’inceste et de pédophilie, la France n’est certainement pas épargnée par ce fléau qui se déroule souvent dans des sphères familiales. C’est un problème difficile à quantifier car même de nos jours, les victimes ne parlent pas. Après, le livre aborde des problèmes spécifiques à la Chine du temps de Mao, mais en France à la même époque ce n’était certainement pas mieux. De nos jours, les problèmes liés aux viols, au sexisme, à l’inceste sont plus visibles mais les solutions pour contrer sont rarement efficaces.

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